Junko qui s'ennuyait profondément depuis quelques temps, n'hésita pas lorsqu'elle aperçut Kill dans la rue la plus malpropre de la région, avachit avec une bouteille au contenu douteux qui se balançait au bout de son bras détendu. Elle lui fit de grands signes et se rapprocha en se dandinant avec... Classe.

"Salut gros babouin, comment ça va depuis la dernière fois ?
Toujours aussi... Impulsif ?"

Elle tenta de se baisser, comme à son habitude, mais peina quelques secondes et abandonna. Alors elle s'avachit en arrière contre le mur de la taverne, en face de Kill. Lorsque son postérieur toucha le sol et que son corps se plia, sa descente s'accompagna d'un gracieux "Gnuuuah".

Elle posa ses deux mains sur son ventre enflé et sourit bêtement, l'air satisfait.

"Bah, tu me connais. Tant qu'y'a d'la bière, y'a d'la joie."

Junko hocha la tête et loucha avec appétit sur la bouteille. De la bière, hein...

"La vache, Junko, t'es devenu énorme !"

Elle sursauta.

"Quoi, moi ?
N'importe quoi c'est tes yeux qui font loupe, t'es bourré."

Elle rigola de sa blague et arracha la bouteille des mains de Kill, en buvant deux longues gorgées. Puis elle s'essuya du dos de la main, posa la bouteille et joua du tam-tam sur sa panse.

"Je déconne, je sais.
J'ai du trop bouffer devant ma console, c'est tout."

Elle rigola de nouveau, et leva la tête, comme pour regarder les oiseaux. Notez que dans une ruelle si étroite, elle ne voyait qu'un ciel gris et sale.

"C'est moche."

Junko retroussa son nez lorsque Kill vida la bouteille, et fronça les sourcils lorsqu'il en décapsula une autre.
Elle le trouva stupide, niais et insolent.
Elle réfléchit quelques secondes encore, chercha le mot qui lui manquait.
Puis elle eut un sourire en coin et lança avec un dédain non négligeable :

"Goujat."

Elle saisit la bouteille qu'on lui tendait, but trois ou quatre gorgées et la reposa si nonchalamment qu'elle se renversa sur le côté.
Puis elle entama un We Will Rock You en tapant rythmiquement sur son ventre.
Elle murmurait avec entrain des paroles qu'elles ne connaissait pas.
Sa chanson s'accompagnait d'un semblant de chorégraphie, soit un remuement grossier des épaules, qui lui faisait se dandiner sa peau enflée et sa poitrine.
Elle trouvait ça très drôle et décida de le faire plus souvent.

"Même pas drôle, ça résonne pas."

Junko arrêta son petit manège et haussa les épaules.

"Dis, je peux toucher ?"

La tigresse chercha une raison de refuser, pour le faire chier, mais n'eut pas le temps de s'exprimer.
L'alcoolique se pencha sur elle et tâta son bidou.

"Hé, c'est tout dur !"

Elle regarda alternativement son ventre, puis Kill, plusieurs fois de suite.
Puis elle toucha d'elle même, pour vérifier.

"Bah j'ai peut être mangé un caillou."

Elle rigola bêtement, puis rajouta :

"Y a pas que toi qui mange des enfants."

Sa blague la fit tellement rire qu'elle en pleura presque.

"Bah, c'est bizarre quand même."

Junko tenta de réponde un "Bah écoute...", mais sa tête reposait sur sa poitrine et sa réponse fut étouffée.
Elle glissa jusqu'à se retrouver allongée, et bailla en s'étirant.
Son débardeur remonta quelques centimètres au dessus de son nombril, puis glissa de l'autre côté de la mystérieuse bosse.
Elle soupira en émettant un petit son semblable à un miaulement.

"Je vais devoir faire un régime peut être du coup."

Rien que l'idée de ne plus manger la répugnait.
Mais elle pensa que ça pouvait être drôle de raconter n'importe quoi.
Elle pourrait voir la réaction de Kill.
Et de toute façon, elle n'avait rien à dire.

"Le jour où tu fais un régime, je me rase la queue. Ou peut-être pas. La barbe, disons."

Junko rigola de nouveau bêtement synchro avec le rire diabolique du psychopathe, puis imagina Kill sans barbe.
Elle hésita, puis se dit qu'il aurait l'air trop sage.
Alors elle oublia définitivement le régime, et se justifia de la sorte :

"T'aurais l'air propre, ça ferait bizarre."

Et, avant qu'il ait eu le temps de réagir, bascula en avant et s'écrasa sur son compagnon.
Elle bava un peu la vodka, avec un air complètement shooté (à l'éluant).
Puis elle se ressaisit, et ronronna doucement dans le cou de Kill.
En fait, elle voulait juste qu'il lui repasse la bouteille.
Son ventre lui empêchait de trop se rapprocher, et elle râla silencieusement.

"Hé, si tu continues, ça va déraper comme la dernière fois..."

Junko but quelques gorgées encore, mais cette fois elle ne parvint pas à compter.
Elle se répéta quelques centaines de fois la phrase de Kill en écho, dans sa tête.
La dernière fois...
Quelle dernière fois ?
Il y a quatre mois ?
Elle ne se souvenait plus, elle devait être saoûle à ce moment...
Entre deux respirations saccadées, elle demanda :

"La dernière fois, il s'est passé quoi au fait ?"

Ses paupières se baissaient, sa vue se troublait.
Mais dans sa tête, c'était la fête.
Il en faut peu pour être heureux.

"Tu ne t'en souviens pas ? Suis-je si mauvais que ça ?
Quoique, tu ne saurais pas la première à avoir étrangement oublié... ♥
Allez, un petit effort, tu vas t'en rappeler."

L'esprit brouillé de Junko ne lui permit pas de rechercher.
Ni de faire le moindre effort.
Elle s'avachit sur Kill, presque inconsciente.
Elle se répéta la dernière phase.

"Yeh m'en rappeler.
Owi rappeler moi.
Youpi."

Et elle bailla.

La dernière chose que Junko sentit fut le basculement de Kill en arrière.
Allongée, elle préférait, parfait.
Confortablement installée, calée contre le torse de Kill, elle ferma les yeux.
Pendant environ cinq minutes elle sombra dans un état second, ne sachant plus ni où elle était ni qui elle était.
Puis elle commença à ronfler doucement, un fil de bave pendant à sa lèvre : elle dormait.

Courant à travers un champs vert pomme aux arbres roses, Junko riait.
Elle souriait aux poneys bleus et aux papillons à paillettes.
Elle dansait avec les gnomes unijambistes.
Elle chantait avec les paons.
Elle jouait avec des beaux mecs.
Puis soudain, tout rétrécit.
Les poneys devinrent de minuscules poulains, les papillons des chenilles.
Les gnomes unijambistes retrouvèrent leur jambes et rétrécirent jusqu'à tenir dans une tranche de jambon.
Les paons se déplumèrent et devinrent de vilains poussins.
Les beaux mecs devinrent de minuscules bambins, hurlant et chahutant.
Junko s'énerva, saisit un poireau qui poussait là dans un potager enchanté...
Ce site accueillant des individus mineurs, je me permets de censurer les quelques actions qui suivent.

Puis elle émit un grognement dans son sommeil.

Citation :

Les gnomes unijambistes retrouvèrent leur jambes et rétrécirent jusqu'à tenir dans une tranche de jambon.

(Quel beau clin d'oeil à Naheulbeuck. Tu as éclairé ma journée.)

Kill ouvrit les yeux. Seul. Nu. Il avait chaud, très chaud. Il se trouvait dans une sorte de cavité puante dont les murs semblait suinter. Tout tremblait sous lui. Il se releva, trébucha, se rattrapa comme il pu. Le neko émit un sifflement de dégout en voyant qu'il y avait une sorte de bave sur ses mains. Tout à coup, il se rendit compte que ses doigts rapetissaient, devenant court et fragile. Il sentit son point de vue devenir de plus en plus bas, avant de se rendre compte que lui aussi rétrécissait. L'homme au regard unique voulu poussait un hurlement, mais ce ne fut qu'un geignement proche du bébé qui sorti de ses lèvres. Il se retrouva à quatre pattes, petit comme un bambin. Il se mit à pleurer.

Kill se réveilla en sursaut, complètement paniqué. Il toucha avec précipitation le bord de son œil visible. Il émit un soupir de soulagement. Il était sec, aucune trace de larme. Les larmes... Kill savait que cela existait, mais il n'avait jamais pleuré. Enfin, il ne s'en souvenait pas. Toujours est-il que son rêve le laissait perplexe. Jusqu'à ce que son regard tombe sur sa compagne, toujours allongée sur son torse, bavant abondamment. Le neko s'étira longuement, la tête songeuse, à des lieux de cet endroit. Il était persuadé que quelque chose lui échappait, quelque chose d'important... Sans qu'il réussisse à mettre le doigt dessus.
Les minutes passèrent tandis que le silence était brisé par les légères respiration de la tigresse. L'obscurité.
La lumière. Tout s'éclaira dans l'esprit de Kill. Il arqua les sourcils, complètement hébété. Il secoua l'épaule de la jeune femme et s'écria :

"Ju... Ju... Junko ! Réveilles toi !"

Un...
Un...
Un bébé.

Junko arrêta de grogner.
Elle plissa fort les yeux, entrouvrit les lèvres, et se mit à baver.
Un petit ronflement s'échappa de sa gorge.
Elle était déjà en phase de sommeil profond.
Sa respiration fut coupée lorsqu'elle s'étala par terre.
Kill avait voulu la secoué mais, vraisemblablement paniqué, il l'avait laissée s'écraser.
Elle ronchonna, voulu se rendormir.

"Ju... Ju... Junko ! Réveilles toi !"

Elle s'essuya nonchalamment le coin de la lèvre, releva la tête, et enfin s'assit.
Tout en se recoiffant sommairement, elle demanda avec toute la splendeur de la langue française :

"Qu'est-ce qu'tu me ch*es ?
On peut plus pioncer dans ce pays de m*rde ?
...
T'as une sale gueule on dirait un gosse."

Et elle se moqua.